Merci tout d’abord de cette réponse argumentée qui montre une ouverture d’esprit et au débat véritable ne transparaissant pas dans votre premier commentaire. C’est assez rare à gauche pour être salué.Je commencerais par discuter vos arguments qui me semblent les plus forts. Je traiterais aussi le reste de ceux-ci dans une seconde partie à venir.1- Tous les autres partis soutiennent un Etat toujours au service de la Grande Bourgeoisie Cette affirmation, qui apparait de bon sens, vise en premier lieu à disqualifier toute autre expression politique qui ne serait pas “dans la ligne”. Nous ne sommes dès lors plus dans le débat, mais dans la lutte pour défendre une position, même si celle-ci est en décalage par rapport au réel. Astuce rhétorique donc, que je préfère évacuer dès le départ pour rester sur le fond.
Tout repose ici sur l’apparence du bon sens, mais c’est un autre débat.
2-L’URSS a fait de grandes choses ⇒ Le socialisme soviétique n’est pas disqualifié
Bien entendu, l’URSS a été le moyen réel de développer de façon considérable les forces productives et ainsi les conditions matérielles ; tant de manière directe sur son territoire, que dans les autres pays y compris capitalistes par son influence. Ceux qui le nie, nie le réel.
Pour autant, qu’en est-il de l’idée socialiste, et plus encore communiste ?
Quelques indicateurs :
– Chute des régimes communistes en URSS et pays limitrophes essentiellement de manière endogène.
– Dans d’autres pays, transformation des partis communistes en partis sociaux-démocrates (avec changement de nom).
– Nombre de révolutions socialistes sur les 5 dernières décennies.
– Evolution “libérale” de nombres de pays se réclamant pourtant du socialisme (Vietnam, Chine, etc.).
– Perte d’influence idéologique (quid de grands penseurs communistes contemporains).
On peut nier l’évidence, les faits, mais l’heure est passée. Et l’histoire ne repasse pas les plats.
3-Dans ces alliances, la Grande Bourgeoisie ne disparait pas.
Vous avez raison dans la plupart des cas. Il s’agit bien d’un problème majeur. C’est pour cela qu’il faut absolument disposer de manière consciente d’un modèle de société en amont, sachant parfaitement que son installation implique la fin du régime capitalisme, l’éradication de l’accumulation illimitée du capital.
A droite, la Petite et Moyenne Bourgeoisie y a un intérêt objectif, toutefois le partage de l’idéologie libérale et les contingences de puissances politiques (notamment étrangères), amène ses dirigeants à transiger. Ce fut le cas de De Gaulle, pour prendre un exemple Français.
A gauche, les trahisons des sociaux-démocrates sont pourrait-on dire présentes dans les gènes de ces mouvements (les roses comme vous dites). Ainsi seuls les plus radicaux dans la défense des Prolétaires, dont les communistes (les rouges), sont les garants pour que cette élimination de la Grande Bourgeoisie survienne. Ce sont donc bien des “rouges” qui sont nécessaires ici, pas du tout des “roses”.
4- Société sans classe, population hautement éduquée, les cadres disparaitrons, le progrès et la technologie pourvoirons à tout.
Cette question vient dans le prolongement de la réponse ci-dessus : Quel modèle de société ?
Notons tout d’abord que les communistes, en commençant par Marx, se sont bien gardés de le décrire. Laissant ainsi libre cours à toutes les interprétations. Comme une version terrestre du paradis. Pour des matérialistes c’est un peu léger n’est-ce-pas ?
Société sans classe donc. Vous y posez tout même quelques conditions :
– Haut niveau d’éducation : Qui éduque ? Dans quelle direction ?
– Les cadres disparaitront, or ce sont aujourd’hui parmi eux que se trouvent nombres des plus éduqués, vous savez ceux votant Macron (paradoxe).
– Le progrès et la technologie pourvoirons à tout. Etes-vous certain que c’est un mieux pour l’Homme d’être entouré par des robots ? A 1P6R, nous avons identifié le Travail comme le besoin de l’âme le plus important, et vous voulez nous en démunir…
– L’environnement ? Il faudra guider les comportements par les sciences sociales : Là, j’ai carrément un frisson qui me parcourt le dos !
La société sans classe est une chimère. Et cela pour une raison tenant à la substance même de l’Homme : son ambition. Cette même ambition qui l’a poussé à maitriser le feu, à développer son langage, à coloniser tous les continents par-delà les mers et les montagnes, à sortir des cavernes et à inventer l’agriculture. Et vous pensez empêcher ce caractère fondamental de notre espèce de s’exprimer ?
Le faire c’est nier l’Homme et par conséquent fatalement aboutir à un système autoritaire puis totalitaire. Le premier stade étant nommée “éducation”. Non. Lorsqu’un phénomène est sans cesse résurgent, c’est qu’il est inévitable. Un exemple ? Les promoteurs locaux des révolutions de couleur. Autre illustration, le régime de Pol-Pot a bien essayé de les éliminer, physiquement ; mais tuez un ambitieux, un autre, jusque-là bien docile, y verra une opportunité…
Le réel est ainsi. Qu’il nous plaise ou non n’y change rien. La seule chose en tant que “politiques” est notre devoir d’en tenir compte.
Il faut se rendre à la raison. La seule manière de maitriser l’ambition c’est d’une part de lui permettre de s’exprimer et d’autre part de limiter son déploiement. En d’autre terme, canaliser les forces en mettant en place un système, des mécanismes économiques et sociaux permettant leur régulation. De la même façon que la force brutale des seigneurs guerriers a été canalisée : par la loi et par des échappatoires.
5- L’économique prime le politique
L’économique prime le politique dites-vous. Oui. Bien sûr, mais en dernière analyse seulement, sur le temps long.
D’ailleurs vous le savez bien sinon il n’y aura pas besoin de parti, il suffirait d’attendre. L’économique oriente le politique, mais le politique, l’action humaine consciente, est un vecteur incontournable, indispensable à toute évolution des sociétés humaines.
Ceci posé, quel est le critère d’évolution économique ? Le “toujours plus” du progressisme ? Ce n’est sans doute plus le cas. En vérité nous sommes arrivés à un tournant historique majeur. Une inflexion de même nature que la révolution néolithique. Mais cette fois-ci il nous faut réguler le déploiement de l’humanité. Car in fine, ce qui le contraint c’est son adéquation avec son environnement. A moins bien entendu de vouloir vivre dans les “cavernes d’acier” d’Asimov (est-ce même possible ?), la croissance illimitée est elle aussi une illusion.
L’adaptation à l’environnement terrestre fini, à ses ressources comme on dit, implique par conséquent inéluctablement une inflexion de la courbe. Tôt ou tard, cette inflexion est inévitable. Le seul choix est le suivant : Le gérer par le politique ; ne pas le gérer et laisser aux barbaries le soin de décroitre, brutalement, fatalement.
Alors, pour bien analyser, il nous faut identifier le véritable moteur derrière tout cela. Le Deus ex machina animant même le matérialisme historique. Je ne me livrerai pas ici à une démonstration et irais directement au résultat : Ce moteur universel c’est “la tendance de la matière et de l’énergie à se structurer”. La néguentropie.
La question qui est soulevée immédiatement par ce constat est le suivant : Le modèle de société proposé est-il en conformité avec une augmentation de la néguentropie ? Ou pour le dire autrement, va-t-il dans le sens de l’histoire ?
Pas de suspense, la réponse est doublement oui.
Oui sur le plan économique puisqu’une société majoritairement pilotée par des entreprises citoyennes permet d’une part un contrôle de l’Homme sur l’économie, sur la production, notamment par la planification ; mais aussi une grande efficacité, plus grande que celle du capitalisme des immenses structures inhumaines, par un tissu d’entreprises de petites tailles en interactions permanentes, mettant à profit l’ambition des Hommes les plus dynamiques.
Oui aussi sur le plan politique, car ce modèle de société signe la fin de la domination d’une seule classe, fusse le Prolétariat, par l’instauration d’un système où la Petite et Moyenne Bourgeoisie et le Salariat sont en opposition/coopération permanente. Un système plus structuré donc que la domination d’une seule classe. Un modèle dual comme l’est la reproduction sexuée par rapport à la non-sexuée, à la manière du Yin et du Yang si cela vous parle.
A ce modèle deux autres conditions :
– L’élimination du lumpen prolétariat, de la misère, par la fourniture et la garantie de la satisfaction par la Nation des besoins du corps et de l’âme.
– L’élimination du Grand Capital, essentiellement par la limitation de la possibilité d’accumuler du capital.
Derniers mots
Nous voilà bien loin d’un retour à un hypothétique capitalisme primitif n’est-ce-pas.
Je répondrais aussi à vos autres objections prochainement.
La société Française, sclérosée, vieillissante, est-elle capable de prendre ce virage ? L’incrustation idéologique des uns couplée au décervelage des autres inclinerait à répondre par la négative. Mais vous savez le moteur de l’histoire est en marche, et la Barbarie vécue un puissant accélérateur.
Comme je l’ai déjà dit ce modèle a déjà connu des occurrences par le passé et en connait dans le présent, certes imparfaites, biaisées, imposées par un homme ou un système fort ; des expériences souvent pragmatiques, donc inconscientes de la voie sur laquelle elles cheminaient. Ce qui est proposé ici c’est de prendre pleinement conscience de la voie possible pour échapper à la Barbarie, d’en faire un modèle et de s’y engager.